Cette violence que nous aimons

Publié par sportnoy le 10 Decembre, 2015 - 19:30
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Pour tâcher de comprendre en partie la montée du populisme qui nous menace, je vais l’éclairer en centrant mon propos sur la violence dans laquelle baignent nos sociétés, sans que l’on sache souvent la voir et la reconnaître. Par la violence que nous aimons, depuis des décennies nous faisons gonfler la vague de ce qui peut devenir un tsunami, lequel risque d’anéantir pour longtemps la démocratie et les valeurs républicaines.

 

Si l’on veut rester présent à ce qui se passe dans notre environnement et dans le monde proche et lointain, un bombardement de commentaires en tous genres s’abat sur nous via les médias que nous laissons envahir nos environnements par objets technologiques interposés et adorés. Nous sommes alors non pas vraiment informés, renseignés et éclairés, mais plutôt remplis et emportés par un flot de messages faisant cacophonie, consommation illimitée d’évènements oblige (cette obligation de consommation qui nous fait violence dans tous les champs de nos vies serait, sans doute, à incriminer en premier lieu).

Happé en cette pétaudière, comment se faire une idée juste et posée ? En ce climat de violence, comment garder l’esprit suffisamment clair, comment s’y retrouver ? Le risque est d’y perdre la tête. N’en sommes-nous pas là, déjà ? Quand tout est rendu illisible en cette frénésie générale qui pousse à l’incandescence les émotions du citoyen et l’embrouille encore plus, ce dernier pour sa sauvegarde élémentaire est porté à réagir de diverses façons primaires : se replier sur son intérêt privé immédiat ; fuir dans la rupture et le rejet de ce qui le tourmente trop ; et par rapport à la confusion mentale en lui engendrée par ce bombardement devenu illisible, fuir dans le simplisme, le manichéisme, les fonctionnements de bouc émissaire (etc.) pour retrouver dans l’urgence  des appuis clairs et nets. Débordé par tant violence subie, à cette violence l’individu vient rajouter la sienne de façon active, façon en quelque sorte de reprendre la main dans la toute-puissance éprouvée via la violence agie, afin de ne plus se ressentir impuissant et démuni, trimballé ; comportement là encore primaire qui ne change rien au problème de fond.

 

Haine, colère, refus de compréhension, de modération, mauvaise foi, égoïsme, rejet, destructivité (etc.) ; ces réactions primaires brutales se retrouvent présentes au tableau dès que la violence règne en nos échanges. On ne réfléchit plus ; on passe à l’acte, radical ! Un exemple parmi d’autres : dès qu’un couple ne sait plus faire de compromis pour s’entendre suffisamment en continuant inlassablement de tisser leurs rapports dans un souci de justice, de respect et de responsabilité, tout devient prétexte à excès de violence ; avec force scènes à répétition, les explosions de rejet des partenaires en guerre finissent par emporter l’essentiel de ce qui avait été construit, souvent jusqu’à la rupture brutale et la destruction de l’édifice familial. Nos sociétés et leurs valeurs démocratiques les meilleures ne sont-elles pas en train d’être emportée par ce type de brutalités suicidaires (brutalité jouissive pour toute personne qui laisse ses parties primaires égoïstes et omnipotentes le gouverner et le mener à être l’agent d’un chaos donneur d’imaginaire toute-puissance) ?

Par manque à savoir enseigner, transmettre, cultiver les valeurs évoluées dont elles se soutiennent, nos sociétés démocratiques vont-elles dériver vers le pire : la peste brune ou noire ? La radicalité grosse de haine, de colère, de rejet, d’imaginaire toute-puissance, de volonté de rupture, de simplisme manichéen alimente toujours un même projet destructeur, tant chez le terroriste que le populiste.

En tout aveuglement du péril barbare qui enfle, et pour continuer de jouir d’excitations faciles, chacun peut ainsi contribuer à alimenter la violence qui aujourd’hui nous menace dangereusement. Retrouvons nos esprits évolués au plus vite !

Parlons la vie, et défendons-là pour ce qu’elle : belle et fragile à la fois, jamais parfaite, souvent difficile. Apprenons à nous libérer de nos parties infantiles qui trop souvent aliènent l’humain dès qu’il se laisse aller à ses intempérances d’absolu, d’idéalité, d’imaginaire toute-puissance, lesquelles sont mortelles pour la vie réelle, fragile, limitée pas éternelle. Sortons de l’enfance de l’humanité en posant des limites volontaires à notre violence potentielle qui peut vite se déchaîner si nous oublions un seul instant de la surveiller pour l’empêcher de déborder!

Trop longtemps, nous avons été les aliénés volontaires de notre cupidité, de notre fol besoin d’emprise possessive et de pouvoir abusif sur notre environnement, collaborant sans résister vraiment à une société s’adonnant à une addiction collective : la consommation marchande. Il nous faut maintenant réapprendre les limites et le respect, si nous voulons nous libérer de cette violence au sourire carnassier qui, sinon,  va continuer de nous séduire et de nous emporter loin de toute raison.

cette violence que nous aimons

"Les limites et le respect"; effectivement je pense qu'au delà des oppositions, on peut tous être d'accord qu'il y a un probleme de limites inhhérent de toute facon au système capitalisme.

Je m'étais fait la remarque que déjà, et tout simplement, à partir du moment où il existe un déséquilibre et qu'une société à décider soit de "sacraliser la matière" consciemment ou pas, soit de "sacraliser l'immatériel" en négligeant de manière excessive dans le premier cas l'esprit, l'autre cas le corps .... on ne peut pas s'attendre à quelque chose de bon.

D'autre part j'aime bien reprendre ici ou là, notamment lorsque je vois les esprits s'échauffer par la peur et les idéologies qui faconnent les esprits (en l'absence de savoirs faire et d'équilibre "corps esprit") , et qui reduisent leur pensée à ce qui selon eux leur a permis de construire leur identité, d'être reconnu et se sentir vivant, cette citation en 4 eme de couverture de l'ouvrage d'Adorno de 1950 :

"L'ignorance des complexités de la société contemporaine provoque un état d'incertitude et d'anxiété générales, qui constitue le terrain idéal pour le type moderne du mouvement de masse réactionnaire. De tels mouvements sont toujours 'populistes' et volontairement anti-intellectuels."

et de rajouter sur certains réseaux sociaux (avant une election par exemple) une réflexion du style : allez-y; faites vous plaisir , lachez-vous , ceci est écrit depuis lontemps ! , histoire de peut-être, créer des "bifurcations" dans leur esprit...

cela semble en tout cas en questionner certains.