l'association

Version imprimable

L'association Ars Industrialis

 

Premier motif

L’association Ars Industrialis a été créée le 18 juin 2005 à l’initiative du philosophe Bernard Stiegler. Dans le Manifeste rendu public à cette occasion, elle se présente comme une « Association internationale pour une politique industrielle de l’esprit ».
Son premier motif de constitution est le fait qu’à notre époque, la vie de l’esprit, selon les mots d’Hannah Arendt, a été entièrement soumise aux impératifs économiques, et aux impératifs des industries culturelles, et des industries de l’informatique et des télécommunications. Ce secteur peut être défini comme celui des technologies de l’esprit. A la critique du dévoiement de ces technologies comme instruments de contrôle des comportements, c’est à dire des désirs et des existences, Ars Industrialis associe la proposition centrale de former une écologie industrielle de l’esprit.

Culture et politique

Ars Industrialis est une association culturelle dans le sens le plus traditionnel du terme : les premières activités de ses membres comme de ses animateurs sont l’étude et la réflexion, individuelle et collective, le mûrissement et l’échange de points de vue. C’est aussi une association politique qui intervient dans le débat public et s’efforce, chaque fois que c’est possible, de mettre en œuvre ses propositions par des expérimentations ou des actions. Posant qu’il n’y pas de vie de l’esprit sans instruments spirituels, Ars Industrialis s’est fixé pour but d’imaginer un nouveau type d’agencement entre culture, technologie, industrie et politique autour d’un renouveau de la vie de l’esprit.

Des idées

En 2005-2006, l’association a d’abord travaillé sur les thèmes « société du savoir », « technologies cognitives » (Sommet de Tunis, bibliothèques numériques), « souffrance et consommation ». Cette première phase de travail est présentée dans l’ouvrage « Réenchanter le monde. La valeur esprit contre le populisme industriel ». Puis elle a traité des sujets directement politiques : la « télécratie », les causes de l’impuissance publique, l’investissement durable, la démocratie participative, à laquelle est consacré un second livre : « De la démocratie participative ».

En mai 2007, le débat sur la formation et la destruction de l’attention est lancé par une première réflexion sur « l’avenir de nos établissements d’enseignement à l’époque des nouvelles industries de programme ». Ars Industrialis prend ensuite l’initiative de l’appel « Faire attention. Pour une nouvelle politique éducative ». Cet appel rencontre un grand intérêt chez tous ceux qui perçoivent que la question de l’attention, chez les enfants, n’est autre que la forme générationnelle de la crise générale de la vie de l’esprit. Organisation de référence sur les technologies cognitives, l’association tend à être de plus en plus reconnue sur les questions de transmission entre générations. En 2008, elle décide de se confronter directement à la question de l’économie politique. Elle formule ainsi l’hypothèse d’une « économie de la contribution », travaille sur le lien entre « mécroissance et libido », puis sur le numérique dans l’économie et la cognition de l’attention.

Développement

L’activité intellectuelle est centrale dans l’organisation et le fonctionnement de l’association. Elle s’appuie sur un séminaire théorique qui se tient au Collège international de philosophie, et sur des conférences-débats soutenues par le Théâtre de la Colline. Cette réflexion est relayée par des publications, sous forme de livres, ou sur le site www.arsindustrialis.org. qui fait l’objet de plus de sept mille connexions par mois.
Mais Ars Industrialis n’est pas seulement un « club » ou un laboratoire ; c’est une association à part entière comprenant plus de cinq cents membres de toutes nationalités et d'horizons culturels et professionnels les plus variés.

Sa finalité même lui impose d’accorder le plus grand soin à la qualité de ses débats, à leur ouverture, à l’élaboration d’un point de vue collectif, au soutien intellectuel et culturel aux membres.
Toute cette activité a pu être conduite avec des moyens réduits. L’association engage aujourd’hui une nouvelle phase de son développement qui comprend des partenariats mieux établis, et un ancrage d’activités dans plusieurs villes ou régions. Elle souhaite d’autre part accélérer son internationalisation, européenne et mondiale.

Europe

ARS INDUSTRIALIS est située à Paris, en France, mais se définit avant tout comme européenne. Elle veillera dès ses premiers pas à trouver des interlocuteurs, des partenaires et des adhérents dans les pays d’Europe, et à organiser ses activités hors de France aussi souvent que ce sera possible. Pour autant, c’est une association internationale, et non seulement européenne, qui entend développer des échanges internationaux bien au-delà du continent européen.
Elle entend porter sa réflexion au niveau mondial, pour ce qui concerne tous les points évoqués précédemment, et, par voie de conséquence, dans les domaines de l'enseignement, de la recherche, de la science, de l'art, des médias, de l'organisation des services publics de l'audiovisuel, des industries culturelles et des industries de programmes privées, et des politiques d’aménagement du territoire.
Outre ses partenaires et adhérents d’Europe et des autres continents, ARS INDUSTRIALIS visera à développer dans les villes de France un réseau de lieux d’activités, d’adhérents et de correspondants. ARS INDUSTRIALIS animera ces différents réseaux en utilisant tous les moyens contemporains de communication disponibles, et recherchera pour cela le soutien d’organismes et de collectivités publics et privés.
 

Les technologies de l'esprit

Notre époque est menacée, dans le monde entier, par le fait que la vie de l'esprit a été intégralement soumise aux impératifs de l'économie de marché, c’est à dire à la loi de l’amortissement rapide, à travers la monopolisation des technologies de l’information et de la communication, dites aussi culturelles et cognitives, et qui forment le secteur de ce que nous appellerons ici des technologies de l’esprit.

Or, ces technologies peuvent et doivent devenir un nouvel âge de l’esprit, un renouveau de la « vie de l’esprit ». Tandis que le modèle classique de la société industrielle paraît caduc, cet objectif doit constituer le motif d’une économie politique et industrielle de l’esprit – qui doit aussi être une écologie industrielle de l’esprit.

Ces technologies visent aujourd’hui à contrôler et à façonner hégémoniquement les modes d’existence individuels et collectifs, et ce, à tous les âges de la vie. Or, ce contrôle des existences est un contrôle et une manipulation des désirs des individus et des groupes et conduit à détruire les possibilités mêmes, pour ces individus et pour ces groupes, d’exister et de désirer : la démotivation empoisonne le monde. Le capitalisme, au XXè siècle, en vue d’absorber les excédents de la production industrielle, a fait de la libido sa principale énergie en la canalisant sur les objets de la consommation. Or, aujourd’hui, cette captation de la libido a fini par la détruire. Ce fait majeur constitue une immense menace pour la civilisation industrielle.

Reste que les technologies d’information et de communication sont précisément les technologies spirituelles, et cela signifie tout aussi bien qu’elles relèvent de la question des techniques de la mémoire dont Michel Foucault analysa le sens comme techniques de « l’écriture de soi ». La relation des hommes à ces technologies ne peut en aucun cas continuer de se limiter aux usages prescrits par les modes d’emploi et les campagnes de marketing : ce sont, comme disait Foucault, des hypomnémata.
La question d’économie politique que pose l’avenir industriel est la relance du désir – et non simplement la relance de la consommation. Et dans la mesure où le désir est en son essence orienté vers la sublimation, une politique industrielle de l’esprit peut et doit devenir une politique industrielle de relance du désir – à l’heure des technologies de l’esprit. Nous sommes convaincus, en particulier, que là est l’avenir de l’Europe – et- au-delà, des démocraties industrielles.