Corse, Territoire médiatique par excellence… Qui autre que la Corse peut proposer une telle réflexion ?

Publié par pbattesti le 7 Janvier, 2009 - 19:35
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Que constatons-nous aujourd’hui ?
Le développement de la diffusion satellitaire, la multiplication des chaînes transfrontières et d’autres canaux de diffusion tels l’Internet (Web-Tv), le courrier électronique, le blog, sans oublier le fax ou le téléphone portable, ont incité les sociologues et analystes politiques à célébrer l’avènement d’une "société de l’information" comme la marque caractéristique du XXIème siècle.
Le contrôle accru des grands conglomérats industriels sur les vecteurs d’information, l’importance prise par ailleurs par les stratégies de communication, au détriment de l’information proprement dite, l’endogamie croissante au sein du couple médias et politique de même que l’interactivité des divers acteurs au sein de ce même couple, tend à relativiser ce premier constat au point que se pose la question de la viabilité d’un débat démocratique dans une société où les principaux vecteurs d’information sont dominés par les puissances d’argent et la promotion des intérêts privés.
Dans ce contexte, le langage, moyen de communication et d’échange par excellence, devient un marqueur d’identité culturel de par la terminologie empruntée ou l’accent utilisé par le locuteur.
L’effondrement d’une idéologie à dimension humaniste, utile contrepoids à l’hégémonie capitaliste, a accéléré cette évolution au point que le langage apparaît désormais comme un redoutable instrument de sélection et de discrimination, de domination et d’exclusion.

Quelles questions se poser :
Dans une société de l’information, quelle est la place pour le débat démocratique face à la profusion d’information ?

Jamais dans l’histoire de l’humanité, l’information n’a été si abondante et si instantanée au point que l’information mondialisée, abolissant les frontières physiques et linguistiques, a transformé la planète en un « village planétaire »…
Tous les grands évènements mondiaux se vivent dans une quasi-communion universelle, (Mondial du foot, Jeux olympiques, les grandes catastrophes naturelles, telles le Tsunami en Asie en Décembre 2004, l’ouragan Katrina durant l’été 2005 au sud des Etats-Unis, de même que les deux guerres d’Irak en 1990 et 2003, etc.
Depuis la révolution technologique opérée il y a vingt ans, des chaînes d’information continue ont supplanté les chaînes généralistes (CNN aux Etats-Unis, LCI et France info, en France) développant des programmes interactifs avec interventions des auditeurs téléspectateurs dans les débats politiques, induisant avant le terme un débat participatif.
Exemple en France avec TF1 à l’occasion du débat sur le referendum constitutionnel, en avril 2005, entre le président Jacques Chirac et un panel de jeunes, ainsi qu’à l’occasion de la campagne présidentielle française de 2007 toujours sur TF1 dans l’émission « j’ai une question à vous poser », où le candidat à l’élection présidentielle était confronté pendant 90 minutes à un échantillon « représentatif » de la population française.
Même la presse écrite a opéré une mutation, couplant son édition papier par une édition électronique donnant ainsi la possibilité à un plus large lectorat, au delà les océans, d’accéder aux informations du journal.
Les grands quotidiens parisiens peuvent être consultés électroniquement depuis l’Afrique ou l’Asie, contournant la censure généralement en vigueur dans les pays autoritaires. Dans le Monde arabe, où la censure est la norme, le quotidien « Al-Qods Al-Arabi » journal critique transarabe, offre quotidiennement l’hospitalité de ses colonnes à certains des principaux proscrits intellectuels arabes et contourne ainsi depuis Londres les restrictions édictées par les gouvernements arabes.
De même, à côté de la presse payante, une presse gratuite s’est développée dans les pays occidentaux accentuant l’offre d’information. En outre, un service de messagerie à la demande (à la carte) a été aménagé pour les usagers des téléphones portables.

Surinformation ou désinformation :
Quels sont les besoins, quelles sont les attentes ?

Toutefois, la concertation médiatique, la profusion de l’information contribue-t-elle pour autant à une meilleure connaissance des problèmes ? A une meilleure diffusion du savoir ? Contribue-t-elle à une amélioration du débat démocratique ? La surinformation favorise-t-elle l’information ou débouche-t-elle sur une désinformation ?
Dans les années 1980, 50 mégas compagnies dominaient le paysage médiatique aux Etats-Unis, mais, moins de dix ans plus tard, il n’en restait plus que 23 pour une domination comparable. « La vague des énormes marchés conclus dans les années 1990 et la mondialisation rapide ont laissé l’industrie médiatique centralisée en neuf conglomérats internationaux : AOL-TimeWarner, Viacom CBS) News corporation, Bertelsman (Allemagne), General Electric (NBC), Sony, ATT-LIBERTY Media et Vivendi Universal France).
Quatre d’entre eux (Disney, AOL Time Warner, Viacom et News corporation) contrôlent tout le cycle de la production (films, livres, magazine, journaux, programmes de télévision, musique vidéo, jeux) ainsi que la distribution (radio, câble, grandes surfaces, salles de cinéma multiplex).

Mais cette concentration médiatique, pour impressionnante qu’elle soit avec les immenses possibilités de diffusion qu’elle recèle, contribue-t-elle à une amélioration de l’information du citoyen et du débat démocratique ?

La réponse ne saurait être tranchée à en juger par les déboires enregistrés tant par les Etats-Unis que par la France dans deux moments clés de leur histoire contemporaine: la guerre d’Irak pour les Etats-Unis et le referendum sur le traité constitutionnel par la France.
La
classe politico-médiatique française a été parfois désavouée, sans que cela n’entraîne une réforme des rapports entre le Pouvoir politique et les Médias au point qu’une tendance à l’endogamie paraît se développer à en juger par le nombre de mariages croisés entre politiciens et journalistes.
« Les Médias français se proclament et se vivent comme un « contre-pouvoir ». Mais « la presse écrite et audiovisuelle est dominée par un journalisme de révérence, dirigée par des groupes industriels et financiers, par une pensée de marché, par des réseaux de connivence. Alors, dans un périmètre idéologique minuscule, se multiplient les informations oubliées, les intervenants permanents, les notoriétés indues, les affrontements factices, les services réciproques. De ce fait, un petit groupe de journalistes est omniprésent dont le pouvoir est conforté par la loi du silence impose sa définition de l’information-marchandise sur une profession de plus en plus fragilisée par crainte du chômage. Ces appariteurs de l’ordre sont les nouveaux « chiens de garde » de notre système économique.
Le constat, féroce, s’apparente, par moments, à la réalité. Il a été dressé par un journaliste du mensuel Le Monde diplomatique » Serge Halimi, dans un opuscule au titre ravageur, « Les Nouveaux Chiens de Garde », Editions « Raisons d’agir », 2ème édition-2005.
La forme la plus achevée de l’imbrication du journalisme au pouvoir politique aura été le journalisme embarqué « embedded », littéralement dans le même lit, durant la Guerre d’Irak. Cette proximité a été jugée malsaine par bon nombre des membres de la profession car elle faussait l’esprit critique dans la mesure où le journaliste était littéralement incorporé au sujet de son observation, sans la moindre distanciation.

Les Chiffres de la publicité et le neuro-marketing :
Quel avenir pour la presse ?

La communication tend à se substituer à l’information et ses dérives nous renvoient à la propagande de base des régimes totalitaires que les pays démocratiques sont censés combattre. « Spin doctor’s »[1], c’est le nom que l’on donne aux Etats-Unis et au Royaume uni à ses « maîtres de l’embobine » chargés de gérer l’opinion publique.

A la fin des années 1990, le budget américain de l’industrie des relations publiques a dépassé celui de la publicité. Selon une étude de John Stauber et Sheldon Rampton, qui passent pour être les meilleurs spécialistes de la profession et co-auteurs d’un remarquable ouvrage sur la question (Toxic sludge is good for you- Common Courage presse 1995), le nombre des salariés des agences des relations publiques (150.000) dépasse celui des journalistes (130.000).
Aux Etats-Unis 40 % de ce qui est publié dans la presse est directement reproduit, sans altération, des communiqués des « Public relations » (3) soutient Paul Moreira, producteur de l’émission de référence de Canal + et auteur d’un ouvrage documenté sur « Les nouvelles censures- dans les coulisses de la manipulation de l’information » (Editions Robert Laffont février 2007).

Deux chiffres suffisent à caractériser l’Empire des Médias : il vit aux deux tiers de la publicité, et il dépense chaque année deux fois le budget de l’état français. Au niveau mondial, le chiffre d’affaires mondial de la télévision, hors subventions, est voisin de 220 milliards de dollars en 2006, dont environ 160 milliards financés par la publicité, soit 70%.
Le chiffre d’affaires mondial des journaux et magazines est voisin en 2006 de 275 milliards de dollars, dont environ 175 milliards financés par la publicité, soit 65%, en augmentation, avec un maximum de 88% aux Etats-Unis. En ajoutant les radios, cela fait environ 540 milliards de dollars par an, soit presque deux fois les dépenses annuelles de l’état français.

Divertissement comme outil et publicité comme finalité :
Le but est-il d’informer ou d’attirer assez l’attention pour faire passer le « vrai » produit : la publicité ?

L’« information » est-elle un excipient comme un autre, son but ne devient-il pas,au lieu d’informer, d’attirer l’attention et de véhiculer des messages publicitaires.

L’information devient-elle une information de divertissement ?

Ce qui explique que les grandes émissions politiques des précédentes décennies, comme l’ « Heure de vérité » sur France 2, faite par des journalistes, a depuis longtemps cédé la place aux émissions de divertissement. Les hommes politiques préfèrent, et de loin, passer chez les animateurs Michel Drucker, Ardisson, ou Marc Olivier Fogiel, etc. pour promouvoir leurs idées.
Le temps de cerveau disponible du lecteur ou téléspectateur humain ingurgite chaque année pour 400 milliards de dollars américains de messages intéressés.

Emis par qui ?

Sur les 360 milliards fournis aux anciens médias par la publicité, selon ce document du groupe Lagardère, 160 milliards, soit 44%, sont « attribués » par les sept premiers groupes de publicité, qui font un chiffre d’affaires direct d’environ 50 milliards.
La captation de l’imaginaire et le conditionnement psychologique des consommateurs se fait à un âge de plus en plus précoce. Selon une étude d’une équipe de chercheurs de l’Université de Stanford (Californie) par exemple, 48 % des enfants âgés de 3 à 5 ans sont conditionnés par la publicité dans leur goût alimentaire.
Le directeur de l’équipe, le Docteur Thomas Robinson, chef du département de pédiatrie à la Faculté de médecine de Stanford, dont les conclusions ont été publiées, en Août 2007, dans la revue « The Archives of Pediatrics & Adolescent Medicine, préconise de « réguler voire de bannir la publicité et le marketing des produits hautes-calories et à faible valeur nutritionnelle, ou d’interdire tout marketing visant directement les jeunes enfants ». D’autant, estiment les chercheurs, qu’une telle pub est « par essence déloyale » (inherently unfair), parce que « les moins de 7/8 ans sont incapables de comprendre les visées persuasives de la publicité ».
Avec le lancement de la campagne présidentielle française, en 2007, les publicitaires ont affiné leurs recherches et leur ciblage. Ils se livrent désormais au « Neuromarketing », une technique qui permet de déterminer la combinaison média idéale qui permettre la meilleure pénétration du message. En gros, quels médias choisir pour que ma publicité rentre bien la tête du consommateur. 

La multiplication des sources d’information est une garantie de démocratie permet-elle la formation d’une opinion libre par recoupement des connaissances ?

 La profusion des vecteurs hégémoniques dans leur approche globalisante, (avec le contrôle du contenant et du contenu, la production et la distribution) porte en elle le risque d’un dévoiement de la démocratie, par les manipulations que les opérateurs du champ médiatique sont tentés de procéder en vue de la satisfaction d’objectifs personnels qui peuvent se révéler, par contrecoup, fatal tant pour la liberté de pensée que pour la démocratie.

[1] Aux États-Unis le spin doctor est un personnage bien identifié. Des livres, des sites comme sourcewatch.org ou prwatch.org tiennent la chronique de leurs opérations. Ils apparaissent dans des films ou des téléfilms. Il est vrai que la fonction existe au moins depuis les années 1930 même si le mot lui-même « spin », n’a vraiment été popularisé qu’à partir de 1984 et du débat Reagan / Mondale.
Le spin doctor, officiellement conseiller en relations publiques reçoit bien d’autres surnoms : gourou, éminence grise, faiseur de présidents ou, mieux encore, docteur Folimage.
Spin ferait allusion à la torsion, à l’effet que l’on donne à une balle de tennis ou à la façon de faire tourner une toupie. Ils dirigeraient donc l’opinion, en lui donnant une impulsion ou une pichenette, en lui fournissant les bons slogans, les bonnes révélations, les bonnes images, en mettant en scène les évènements qui la redirigeront dans le sens souhaité.
En ce domaine, ils pratiquent d’abord une stratégie directe : celle qui consiste à « dire et faire dire du bien de…», à adapter le message de leur candidat aux attentes supposées de l’électorat, à « cosmétiser » l’apparence de leurs clients, à les rendre séduisant et populaires. Ils transposent les principes de la publicité ou du marketing dans la communication politique.
Mais les spin doctors emploient aussi des stratégies indirectes : méthodes de discrédit d’un concurrent, de désinformation, production d’événements et montage artificiel d’affaires pour défendre une cause ou pour en ruiner une autre. Le spin doctor a une influence considérable sur le discours, le programme et les initiatives de son client. En ce domaine deux spin doctors célèbres ont acquis une réputation sulfureuse, liée à des affaires de fuites ou de désinformation de la presse. Il s’agit de Karl Rove le conseiller de G.W. Bush, surnommé son « baby genius » et de Alastair Campbell pour Tony Blair. Tous deux eurent un rôle crucial dans le « marketing » de la guerre en Irak, et bien sûr dans le style et le programme de leurs clients.

Un beau débat sur la Télé qui passe à la Télé !!!!!!!