Un rapprochement du droit pénal des mineurs et du droit pénal des majeurs

Publié par fhilfiger le 6 Juin, 2012 - 15:53
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(Quelques définitions en fin de texte)

Aborder la question de l'enfant en droit pénal, c'est se confronter à ce qui nous apparaît de prime abord comme une contradiction, car l'enfant serait justement celui qui ne pourrait pas faire l'objet d'une répression pénale.

En droit, le terme « enfant » n'est pas efficace car nous sommes tous l'enfant de nos aïeux, quelque soit notre âge. C'est pour cela que l'on oppose majorité et minorité, cette dernière trouvant ses limites de principe de la naissance à l'âge de 18 ans. Mais nous demeurons de fait dans cette opposition des représentations de l'enfant innocent et de la jeunesse délinquante. L'enfant est à la fois la paroi qui fait écho à notre passé et il représente notre futur.

 

Pensons par exemple au gang des apaches, au début du 20ème siècle, qui commirent vols et crimes de sang et qui furent appelés la « plaie de Paris ».

Aujourd'hui, selon le Rapport de 2011 de l'observatoire de la délinquance, sur 930 000 mis en cause, 20% sont des mineurs (ce chiffre est stable depuis 2005). Sur 21 000 vols commis avec violence, 10 000 sont commis par des mineurs. On constate aussi dans ces statistiques une croissance très forte du nombre de jeunes femmes impliquées.

La catégorie juridique de la minorité que nous utilisons s'avère très large, en effet elle ne permet pas de donner par elle-même toute sa spécificité à l'enfance et à l'adolescence. Ainsi, par tranches d'âge, le droit affine ses dispositifs.

 

Mais n'oublions pas que la spécificité du traitement des mineurs est relativement récente.

Rappelons-nous ces représentations du petit Jésus au visage d'adulte, comme chez Da Vinci ou Raffaelo. L'enfant n'existait pas en tant que catégorie à part.

Avec la Révolution industrielle, des droit spécifiques aux enfants apparaissent, notamment un Décret de 1813 interdit le travail des enfants de moins de 10 ans dans les mines.

Une autre loi de 1841 interdit l'embauche d'enfants de moins de 8 ans dans les fabriques dont l'effectif est supérieur à 20 ouvriers.

Cela devrait intéresser les membres de notre association Ars industrialis étant donné que la spécificité du droit de l'enfant apparaît avec les innovations techniques du 19ème siècle.

Par la suite, il y a bien sûr les très fameuses loi Ferry sur l'éducation.

Néanmoins, ce n'est qu'après la Seconde guerre mondiale que ce droit acquiert une véritable autonomie grâce à l'ordonnance du 2 Février 1945 « relative à l'enfance délinquante » qui consacre un Droit spécial des enfants mineurs aussi bien sur le plan civil que sur le plan répressif (enfance en danger et mineur délinquant). Ce texte est très certainement notre source la plus importante en France, du moins au niveau symbolique.

Enfin, en 1989 a été adopté par l'ONU la fondamentale Convention Internationale des droits de l'enfant qui insiste sur la nécessité d'appliquer une protection spéciale à l'enfant.

En droit, "la spécialité" est un principe fondateur : « lex specialia generalibus derogant », la loi spéciale déroge à la loi générale. Cela signifie qu'à partir du droit commun qui forme un tronc juridique (pénal par exemple), plusieurs branches ont poussé (celle du mineur ou par exemple celle du droit des sociétés). On applique donc la loi la plus spéciale à une situation donnée.

 

Pour le droit positif, c'est-à-dire actuel et applicable, il ne s'agit plus de dispositifs traitant la « délinquance juvénile » mais l'on parle de la « délinquance des mineurs ». Cette définition est donc purement juridique et non psychologique. Ainsi, il s'agit à la fois de se montrer moins sévère au vu de ces « péchés de jeunesse », véniels, mais de mesurer la répression au soutien de la garantie de l'ordre public. En pratique, il s'agit de mettre en adéquation et de proportionner prévention et répression.

Bien entendu, un excès de répression nous fait basculer dans un "topos" bien connu, celui de l'école du crime qu'est la prison. D'un autre coté, l'impunité ne permet pas de restaurer l'efficacité de la norme violée et laisserait cours à une éventuelle escalade de la délinquance.

Il s'agit donc pour le législateur de trouver un ordre de priorité. Tout d'abord, tout en préservant la possibilité d'une sanction pénale, le principe de prévention prévaut sur la répression. C'est ce qu'a affirmé le Conseil constitutionnel : « un principe d'autonomie du droit pénal des mineurs » et la « valeur constitutionnel du primat éducatif » (DC 29 Aout 2002). Ce primat de l'éducatif parallèle à l'idée de prévention est le pilier fondateur de l'ordonnance de 1945. Son esprit perdure aujourd'hui bien qu'il ne reste en vérité rien. Elle a été réformée à 34 reprises... Toutefois, des débats très importants ont lieu aujourd'hui quant à la préservation ou la réforme de ces spécificités, aussi bien procédurale que sur le fond, issues de cet « esprit » de 45.

 

La très controversée Commission Varinard a prôné une nouvelle réforme de notre ordonnance dans son Rapport « entre modifications et innovations fondamentales ». Elle affirme que« devant l'enfant, la décision de justice n'est valable que si elle exprime un acte de solidarité et d'amitié », pourtant elle a proposé la création d'un Code de la justice pénale des mineurs très controversé.

La loi du 5 Mars 2007 tient un volet sur la protection de l'enfance victime : en tant que victime privilégiée au regard de sa vulnérabilité personnelle du fait qu'elle dépourvue de discernement, de son absence de force économique et de son incapacité juridique (incapacité à conclure un contrat par exemple).

Citons encore la loi du 11 Aout 2011 sur la participation des citoyens à la justice pénale et le droit des mineurs. Nous verrons d'autres lois essentielles en ce qui concerne le droit pénal des mineurs.

 

Notre texte sera l'occasion de développement sur des dispositifs importants relatifs à l'enfance, mais son but sera principalement de comprendre la trajectoire empruntée par le législateur jusqu'à récemment. Opère-t-il un rapprochement du droit pénal pour mineurs et pour majeurs ? Les spécificités du droit des mineurs sont-elles respectées, transformées, développées ? Ou sont-elles fondues dans le droit commun des majeurs ?

 

 

Le mineur est protégé indirectement par la sanction des atteintes qu'il subit

 

La minorité est un vecteur de protection indirecte du fait de l'aggravation de la répression contre ceux qui portent atteinte aux mineurs.

Tout d'abord, "la minorité de 15 ans" est une circonstance aggravante pour de nombreuse infraction. Elle a pour effet d'augmenter la peine encourue par son auteur.

La loi prévoit des dispositifs de protection spécifique en cas d'abandon de famille ou de non représentation d'enfant. Par exemple, la loi du 9 Juillet 2012 "relative aux violences faites aux femmes" prévoit le retrait de l'autorité parentale en cas de violences intra-familiales.

 

Mais la loi prévoit aussi de nouvelles infractions :

- La loi dite « LOPPSI II » du 14 Mars 2011 sanctionne des faits spécifiques à la criminalité sur l'internet : infraction d'exploitation d'images pornographiques du mineur (article 227-23 Code pénal) et infraction d'exposition d'un mineur à des messages choquant (article 227-24 du Code pénal).

- Le délaissement de mineur, article 227-1 du Code pénal.

- l'abus de faiblesse, article 223-15-2 du Code pénal.

- La loi du 8 Février 2010 a créé l'infraction d' « inceste ». Pour la caractériser, elle requiert de prouver une « contrainte morale » que la loi définit comme « la différence d'âge entre le mineur et l'auteur de l'infraction ». Pourtant, avant cette loi, pour d'autres situations d'infractions sexuelles incestueuses, la jurisprudence la définissait ainsi : « l'état de contrainte résulte du très jeune âge des enfants », ainsi on pouvait caractériser la contrainte et ainsi présumer l'absence de consentement de l'enfant s'ils étaient extrêmement jeunes (Crim. 7 Décembre 2005). Sur le fondement du principe de légalité des délits et des peines, en principe, la Cour de cassation refusait de retenir l'infraction sans démontrer l'absence de consentement, c'est-à-dire par exemple la contrainte (AP. 8 Juillet 2005).

À la suite d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), la loi a été partiellement abrogée pour défaut de précision au regard du principe de légalité pénale sur la notion de « famille » (la loi ne précisait jusqu'à quel degré de parenté on pouvait qualifier l'inceste).

Dans toute cette évolution, la confusion entre « le très jeune âge » et la « différence d'âge entre l'auteur (majeur) et la victime (mineur) » serait révélatrice d'un flou qui s'instaure entre minorité et âge adulte. La distinction s'instaure dans une différence d'âge et non dans un statut définir d'une façon claire et précise. 

 

Éléments d'introduction sur la spécificité du droit pénal des mineurs

 

L'état de minorité conditionne l'engagement d'une certaine responsabilité qui est, soit impossible à engager (irresponsabilité), soit atténuée (la dite « excuse de minorité »).

La loi du 22 Juillet 1912 a créé la responsabilité pénale des mineurs en instaurant des Tribunaux pour mineurs. Le mineur bénéficie donc d'un privilège de juridiction. 

Cette spécificité a été consacrée à l'origine par l'ordonnance de 1945. On est parti de l'idée que la question de la responsabilité pénale du mineur implique qu'il soit en danger, d'où le primat éducatif en tant que principe, et donc la possibilité de prononcer des « mesures et sanctions éducatives » et non des « peines » contre le mineur. Ce nouveau droit pénal était donc plus doux pour ces auteurs d'infractions. Il a donc pu s'appliquer rétroactivement aux situations nées antérieurement à son entrée en vigueur (si une loi plus sévère est adoptée, elle ne s'applique que pour le futur et non pour les situations passées qui sont régies sous l'empire de la loi ancienne, sauf exception).

 

Un discernement suffisant sous peine d'irresponsabilité

 

La responsabilité du mineur peut être recherchée à condition qu'il ait eu un discernement suffisant au moment de commettre l'infraction qui lui est reprochée. Cela signifie qu'en France, il n'y a pas d'âge minimal à la responsabilité pénale, mais un seuil infractionnel lié à la volonté de commettre l'acte (absence ou présence du discernement), c'est-à-dire que l'élément moral de toute infraction ne peut exister en l'absence de discernement.

Ainsi, l'infans ("celui qui ne parle pas"), n'ayant pas de discernement, ne saurait pas être tenu pour responsable pénalement. Il ne peut donc pas subir de peine.

En ce qui concerne les autres mineurs, capables de discernement, ils sont responsables pénalement (mais bénéficient d'une atténuation de cette responsabilité). On parle en pratique de « capacité pénale », c'est-à-dire de la capacité qu'aurait le mineur à tirer profit d'une certaine sanction.

 

Trois types de mesures : mesures éducatives, sanctions éducatives, peines (question de la dite « excuse de minorité »)

 

Il y a trois types de mesures : les mesures éducatives, les sanctions éducatives et les peines.

 

Premièrement, les mesures éducatives, qui sont applicables à tout les mineurs, s'apparentent à des mesures de protection, de surveillance et d'assistance et d'éducations. Elles peuvent se cumuler.

 

Deuxièmement, les sanctions éducatives, applicables seulement pour les enfants de 10 ans : il peut s'agir de confiscation d'arme, de stages divers (de sensibilisation, de citoyenneté) par exemples.

 

Enfin, les peines « classiques », dirait-on, puisqu'elles font partie du « tronc pénal » commun dont nous parlions en introduction. Cela peut être un emprisonnement par exemple. Elles ne sont envisageables qu'à partir de l'âge de 13 ans.

Mais, entre 13 et 16 ans, une atténuation du quantum de la peine est prévue : le mineur ne peut être condamné à plus de la moitié de la peine encourue par le majeur. En fait, l'excuse de minorité n'existe plus depuis le nouveau code pénal (1992), il s'agit bien seulement d'une "atténuation". Celle-ci est laissée à l'appréciation du juge qui peut l'accorder, néanmoins en cas de refus, il a l'obligation de motiver spécialement sa décision (lourd en pratique). Enfin, C'était là l'ancien fonctionnement de ce dispositif.

En effet, deux lois sont intervenues en 2007 :

- la loi du 5 Mars 2007 « relative à la prévention de la délinquance ».

- la loi du 10 Aout 2007 « renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs ».

Depuis, le refus est acquis de droit et la motivation n'est plus obligatoire que pour atténuer la peine d'un mineur récidiviste. Le principe a donc été inversé. On doit se justifier de ne pas réprimer le mineur, une logique que l'on trouve habituellement appliquée pour les majeurs.

Le principe de l’atténuation de peine pour les mineurs entre 16 et 18 ans est maintenu en cas de première récidive, mais ne s’appliquerait plus en cas de deuxième récidive pour les crimes ou délits avec violence ou les agressions sexuelles, sauf décision particulièrement motivée du juge.

En outre a été rendu applicable aux mineurs les peines plancher en cas de récidive. C'est une peine minimale que le juge est obligé de prononcer dans certains cas précis.

Toutefois en cas de première récidive, le juge pourra prononcer une peine inférieure à condition de la motiver spécialement en tenant compte des « circonstances de l’infraction, de la personnalité de l’auteur ou de ses garanties d’insertion ou de réinsertion ».

En cas de deuxième récidive, la peine plancher ne pourrait alors être atténuée que sur la base de « garanties exceptionnelles d’insertion ou de réinsertion ».

Pour la critique de ces dispositifs, hormis le fait qu'ils sont juridiquement contestables de façon évidente, nous renvoyons au développement de Bernard Stiegler qui, dans son idée du soin à donner à la jeunesse et aux générations, expliquent que la destruction la minorité serait aussi une destruction de la majorité. En pratique, les obligations de motiver sont très contraignantes puisqu'elles requièrent beaucoup de travail supplémentaire de la part des juges qui sont déjà débordés et surtout l'endossement de la responsabilité de l'éventuelle récidive du mineur.

 

Récemment la loi du 14 Mars 2011 dite LOPPSI II a limité la possibilité pour le juge d'individualiser les peines (leur mesure, leur type, etc), en effet l'article 132-19-1 du Code pénal prévoit désormais l'extension des peines planchers aux mineurs primo-délinquants en cas d'infractions graves (sanctionnées par 7 ans d'emprisonnement).

Heureusement, le Conseil constitutionnel est intervenu dans une décision du 4 Mars 2011 en limitant ce système aux majeurs sur le fondement d'un PFRLR (principe fondamental reconnu par les lois de la républiques) à valeur constitutionnel : le principe d'atténuation de la responsabilité pénale des mineurs.

La commission Varinard, qui a donné lieu à la remise d'un rapport, préconisait la possibilité d'incarcérer les mineurs dès l'âge de 12 ans. Elle avait pour projet de créer un Code pénal de la justice des mineurs en 2009, mais notamment à cause de ce dispositif, cela n'a pas été retenu.

 

La doctrine juridique est relativement unanime quant à la destruction des spécificités du droit pénal des mineurs, mais cela va en fait aujourd'hui bien plus loin que la répression en tant que telle, ce sont aujourd'hui les spécificités procédurales qui sont aussi remises en cause.

 

Le mineur bénéficie d'un privilège de juridiction

 

La mineur bénéficie d'un privilège de juridiction, c'est-à-dire d'une juridiction spécialisée dans les affaires de mineurs délinquants.

 

Le JDE (juge des enfants), magistrat du TGI (tribunal de grande instance) est compétent en matière des délits et des contraventions de 5ème classe qu'ils peuvent commettre. L'une des grandes originalités de ce juge est qu'il cumule les fonctions d'instruction et de jugement (on pourrait dire enquête judiciaire et décision). Mais il ne peut prendre que des mesures éducatives et pas de peines, sinon il doit renvoyer l'affaire devant le TPE (Tribunal pour enfant) qui est une autre juridiction spécialisée.

 

Le TPE est présidé par un JDE assisté par des assesseurs. Il est compétent si le JDE lui renvoie une affaire, et en matière de crimes.

Le Conseil constitutionnel dans une décision du 8 Juillet 2011 a procédé à la censure des juridictions pour mineurs pour défaut d'impartialité : la présence majoritaire d'assesseurs ne porte pas atteinte à la spécificité du droit pénal des mineurs (même s'ils ne sont pas spécialisés comme un JDE), mais la présidence du TPE par le JDE instructeur est inconstitutionnelle. Le Conseil constitutionnel a différé l'effet de la censure au 1er Janvier 2013.

La Cour de cassation s'était prononcée sur ce problème de droit en affirmant qu'il était dans l'intérêt du mineur que la sanction soit prononcée par une juge qui a instruit le dossier (Crim. 7 Avril 1993).

La spécificité juridictionnelle des mineurs est donc sur la brèche. Les réformes récentes renforce ce sentiment. 

La loi du 10 Aout 2011 impose une nouvelle réforme de l'ordonnance de 1945, inspirée du Code pénal de la justice des mineurs de la commission Varinard. Elle crée les Tribunaux correctionnels pour mineurs qui vont concurrencer les TPE et pallier leur manque de sévérité et de solennité. En revanche, leur compétence est limitée aux récidives des « mineurs » de 16 à 18 ans s'ils ont commis une infraction punie d'au moins 3 ans d'emprisonnement (très large). Contrairement au tribunal correctionnel de droit commun, le tribunal correctionnel pour mineurs n'est composé que de juges professionnels, mais pas nécessairement spécialisés dans la justice des mineurs. Notons qu'il est prévu que ces tribunaux pourront opérer des « jonctions » et juger des majeurs. En pratique, on s'attend à ce que les juges professionnels soient aussi sévères avec les majeurs qu'avec les mieneurs qu'ils ne connaissent que peu ou prou.

La loi crée aussi les Cours d'assises pour mineurs avec un conseiller et deux JDE, mais surtout 6 jurés (9 en appel). Elle est compétente même avant l'âge de 16 ans. Le peuple (les jurés) est appelé à juger des mineurs. La souveraineté populaire peut-elle remplacer la profession ? 

 

La minorité implique d'autres procédures spéciales :

- La loi sur la garde à vue du 14 Avril 2011 permet une rétention des enfants de 10 à 13 ans pour des cas prévus à l'article 62-2 du Code de procédure pénale.

- La loi du 11 Aout 2011 a introduit divers dispositifs contestables ou du moins discutables :

L'article 14-2 de l'ordonnance de 1945 : la procédure de « présentation immédiate » du mineur sans instruction préalable sur sa personnalité.

L'instauration du dossier unique de personnalité du mineur délinquant regroupant sa personnalité et son parcours pénal. Ce mélange pénal-éducatif indiquerait une confusion typique de notre époque : le soin et le répressif sont mélangés. 

L'article 6-1 de l'ordonnance de 1945 qui permet au juge de convoquer les parents du mineur délinquant à l'audience sous la contrainte de la force publique. (Nous pourrions aussi penser au retrait des allocations familiales en cas d'absentéisme des enfants, le législateur ne sait plus quoi inventer pour responsabiliser les parents). 

La possibilité de substituer à toute peine infligée à un mineur de 16 ans ou moins un travail d'intérêt général. Le mouvement d'aggravement de la répression n'est pas univoque. 

- La LOPPSI II du 14 Mars 2011 prévoit la possibilité d'un couvre-feu dans l'intérêt du mineur entre 23h et 6h du matin.

 

Conclusion

Le législateur bataille sur tout les fronts, de façon souvent incohérente, en maniant prévention, répression, soin, réinsertion, d'un seul tenant. 

On constate un net rapprochement du droit pénal des mineurs et du droit pénal des majeurs, un effacement des spécificités de fond et procédurales du droit pénal des mineurs qui s'érodent sous un flux de lois souvent complexes, parfois confuses, abordant de multiples branches du droit. Une volonté d'accroissement de la répression en somme qui n'est pourtant pas univoque (des dispositifs en matière de prévention ou d'infractions sont souvent intéressants, mais insuffisament coordonnés).

 

Il est un principe qui est cher aux juristes. C'est celui de la « sécurité juridique » qui prévoit que la loi doit être accessible à tous, claire et précise, afin de rendre effectif le célèbre adage "Nul n'est censé ignorer la loi". 

Aujourd'hui, beaucoup de réflexions tournent autour du problème du manque de lisibilité de la loi, un pharmaka qui, en matière pénale, est aujourd'hui très souvent toxique. Les juristes suivent à grand peine une avalanche de nouvelles lois tel un zapping télévisé, nous parlons d'« inflation législative ». La loi n'est plus synthétique comme dans l'ancien temps et ne dit plus le droit, c'est-à-dire qu'elle n'est plus forcément normative. La loi exprime, comme n'importe quel discours politique le ferait dans les médias, une certaine idéologie (des promesses, des intentions du type « protégeons l'enfance ») allant parfois jusqu'à n'être qu'une coquille de noix vide de normes. Les juristes deviennent spéléologues et partent à la recherche de l'aspect normatif de certaines lois dont l'objet est essentiellement politique (pas au sens noble). La loi, lorsqu'elle est normative, fonctionne souvent de façon morcelée : un peu de fond, un peu de procédure, un peu de pénal, etc. Bref, c'est le règne du court terme et de la réaction.

 

J'espère que ce texte vous aura éclairé autant que possible sur la question du devenir du droit pénal des mineurs et permettra à ars industrialis d'avancer dans sa réflexion à ce sujet. J'ai essayé d'être aussi clair que possible, s'il y a des mots spécialisés que vous ne comprenez pas, je vous invite à consulter ce site : http://www.dictionnaire-juridique.com/J.php ; ou à consulter le petit lexique en fin de page; voire à me poser des questions par commentaires ou autre.

Je vous remercie de votre attention.

 

François Hilfiger.

 

Quelques explications supplémentaires :

- Le conseil constitutionnel : c'est l'une des instances suprême en France. à l'origine, il sert à contrôler la conformité à la constitution de nos lois votées par le Parlement. à certaines conditions, nos députés et sénateurs le saisissent afin qu'il effectue ce contrôle de conformité. Depuis la réforme constitutionnelle de 2008, la QPC (question prioritaire de constitutionnalité) permet au citoyen, sous de nombreuses conditions, de poser une question sur la constitutionalité d'une loi, à l'occasion de l'instance en cours (du procès), au Conseil constitutionnel, par l'intermédiaire du Conseil d'état (Cour suprême administrative) ou de la Cour de cassation (Cour suprême judiciaire). 

- Valeur constitutionnelle : toutes les normes n'ont pas la même force, la Constitution est la norme suprême, ainsi les normes inférieures doivent être conformes à celle-ci (loi, décret, traité, etc). Cette hiérarchie des normes est aujourd'hui bouleversée par l'arrivée en force du droit communautaire émanant de l'Union européenne qui concurrence la Constitution. 

- éléments constitutifs d'une infraction : pour le vol, par exemple,  il faut la "soustraction frauduleuse de la chose d'autrui" (élément matériel) et la volonté de soustraire frauduleusement la chose (élement moral). L'infraction n'existe pas sans ces deux éléments. 

- Principe de légalité des délits et des peines en droit pénal : le droit pénal ayant des conséquences graves en ce qui concerne les libertés individuelles (emprisonnement, amendes, etc), il est régi par un principe de légalité. C'est un principe de l'écrit et de précision. Il n'y a pas de droit pénal hors celui qui est inscrit dans la loi et qui est interprétée de façon stricte. Il s'agit de garantir ici la prévisibilité de la loi et de ses conséquences (sanction). 

- Jurisprudence : c'est une source de droit en ce que les juridictions (surtout les juridictions suprêmes) interprètent la loi. Par exemple, si la loi ne le précise pas, le juge, sous peine de déni de justice, devra de lui-même définir ce qu'est une société de fait, une famille, une soustraction frauduleuse, etc. C'est l'un des coeurs du travail des juristes. 

- Individualisation des peines : lorsqu'une personne commet une infraction, elle ne subit pas une sanction à caractère forfaitaire. Le juge prend en compte dans le quantum de la peine l'individualité de l'auteur : son histoire, les conditions de commission de l'infraction, etc. Il peut prononcer une dispense de peine, un TIG travail d'intérêt général, etc.